L’équinoxe de printemps, autour du 21 mars, est la période après l’hiver au cours de laquelle la durée du jour est égale à celle de la nuit. En Europe, c’est le moment où la nature s’éveille. Il est aussi nommé Alban Eilir, Eostar, Eostre, la Fête des arbres, la Fête de la Dame, NawRuz, No Ruz, Ostara, Ostra et Rites de Printemps. Les traditions de cette période ont souvent été associées à Pâques avec la christianisation.
Ostara vient du nom de la Déesse Eostre, d’où le mot anglais Easter (Pâques) tire son origine. Celle-ci est une Déesse de la fertilité saxe (Eostre) ou germanique (Ostara). Ostara pourrait également dériver du mot germain «Ost» ou «Est», en référence à l’aube et à la vie renouvelée. Les célébrations de l’équinoxe de printemps sont très anciennes, comme le suggère le site mégalithique de Loughcrew en Irlande. Il s’agit d’une tombe à couloirs datant du IVème millénaire avant notre ère, dont le passage est illuminé par le soleil levant (en cas de beau temps…) les jours d’équinoxes.
Les païens actuels célèbrent ce sabbat en faisant sonner des cloches, décorant des oeufs, plantant des graines, s’occupant du jardin rituel ou non, faisant un grand nettoyage de printemps (physique et spirituel) etc.
Le retour de la Lumière
L’équinoxe marque le passage de la période sombre à la période lumineuse, c’est à dire celle où les jours sont plus longs que les nuits. Les coutumes païennes veulent que l’on allume des feux pour symboliser la libération de l’obscurité hivernale, le renouveau de la vie et la protection des récoltes.
Les Gaulois auraient honoré à cette période le Dieu Grannos en allumant des feux.
Le Schieweschlawe est une fête païenne solaire de l’équinoxe de printemps pratiquée dans le nord de l’Alsace (Schiewackefier), le Sud de l’Allemagne (Scheibenschlagen) et en Suisse alémanique (Schiibeschlage). Le Schieweschlawe désigne le «lancer de disque» : au bout d’une baguette flexible de châtaignier, on fixe un petit disque en bois de hêtre de 10 cm de diamètre percé d’un trou central. Le disque est plongé dans les braises d’un bûcher. Lorsque les bords amincis commencent à brûler, on le retire. Le lanceur se dirige vers une pierre plate inclinée vers la vallée, décrit plusieurs moulinets en l’air puis frappe le disque sur la pierre. La rondelle de bois se détache et décrit une trajectoire lumineuse dans le ciel. Selon la croyance ancienne le feu chasse les mauvais esprits des ténèbres et permet de s’attirer la prospérité pour la saison à venir.
À Aubusson, dans la Creuse, les ouvriers tapissiers jetaient les «veillées à l’eau» en faisant flotter au fil de l’eau un petit bateau ou une planche garnie de chandelles allumées. Une fois les lumières disparues à l’horizon, les veillées étaient considérées comme terminées et l’assemblée fêtait cet événement par de copieuses libations. Cette coutume persista jusqu’en 1914.
En Moselle, à Metz et dans les environs, les enfants font flotter des coquilles de noix garnies de mèches imprégnées d’huile et allumées, en les accompagnant de l’air «Il était un petit navire». Dans les Ardennes, c’est un sabot chaussé d’une chandelle que l’on désigne par l’expression «mettre à l’eau le piton» ou «noyer le couperon», le couperon étant la lanterne à huile des soirs d’hiver.
A Gerardmer et à Fraize dans les Vosges, le 11 mars au soir, on sculptait dans une grosse rave une tête de mort que l’on illuminait intérieurement et le jour précédant l’ultime veillée de la saison, on l’installait sur une fontaine où les jeunes gens s’escrimaient à la faire choir avant d’avoir reçu le seau d’eau que des gardiens invisibles et placés à l’affût, réservaient aux joueurs maladroits.
En Bulgarie le 25 mars était la fête appelée «Blagovetz» ou encore «Blagovechtenie». Le rite principal était d’allumer un grand feu. Les garçons sautaient par-dessus le feu pour se préserver en été des piqûres et morsures des serpents et des lézards. Les femmes faisaient du bruit avec une pince à feu, un tisonnier ou d’autres objets de ferrailles, en tournant dans tous les coins du jardin, pour que les serpents et les lézards qui, selon la croyance, sortaient ce jour de leur cachette d’hiver, se sauvent de la maison.
Elles disaient :»Courez les serpents et les lézards, parce que les cigognes arrivent».
Les vertus de l’eau printanière
L’eau de la rosée et des ruisseaux est traditionnellement collectée à l’équinoxe de printemps. On dit que se laver avec cette eau rend la jeunesse. Selon Grimm, on pouvait voir à Osterrode une jeune fille blanche avec un gros trousseau de clé à sa ceinture se laver dans le ruisseau. Les aspersions d’eau sont fréquentes à cette époque de l’année. La tradition païenne de bains dans l’eau, appelée Dyngus en Pologne, est censée avoir un effet purificateur, prévenir des maladies et favoriser la fertilité. Par conséquent on aspergeait volontiers les jeunes filles à marier mais aussi les animaux domestiques ou même la terre. Autre tradition païenne polonaise liée à l’arrivée du printemps : la noyade de Marzanna, Déesse slave de la mort et du froid. Une effigie de la Déesse, souvent en paille et vêtue de vêtements féminins était battue, traînée au sol et enfin jetée dans une rivière ou un lac par les enfants le premier jour du printemps.
Renaissance de la végétation
Les grecs célébraient le retour de Dionysos ou de Perséphone, accompagné du renouveau de la végétation. Dans la Rome antique on fêtait le 17 mars Liberalia, les libérales, qui s’apparentent aux usages que l’on retrouve actuellement en Pologne, en Roumanie, en Yougoslavie et en Ukraine. Ainsi on jette ou jetait un gâteau composé de miel, de farine et d’huile dans le foyer d’un autel consacré à Bacchus ou son équivalent, avec une liqueur, pour obtenir la fertilité de la vigne et du blé.
A Rome, fin mars, les fidèles du Dieu Attis célébraient «l’entrée de l’arbre». Les porteurs d’arbres (« dendrophores») apportaient au temple un pin coupé et décoré qui représentait le cadavre d’Attis. Il était longuement adoré et pleuré puis mis au tombeau le 24 mars, «Jour du Sang», avec un cérémonial sanglant. Les fidèles et les «galles» dansaient frénétiquement au son des tambourins et des trompes, en se lacérant pour éclabousser de sang le pin sacré et ses abords. Des fanatiques se castraient alors avec des éclats de silex mis à leur disposition. Marqués au fer rouge, ils s’en allaient en ville jeter cette «moisson du dieu Gallos» en une quelconque maison dont les habitants devaient alors les nourrir et les vêtir d’habits féminins. La nuit suivante (Hilaries) préparait la résurrection d’Attis.
Encore aujourd’hui en Finlande, les enfants sèment dans des assiettes des graines de «ray-grass» qu’ils font pousser au bord des fenêtres. Ils disposent aussi des branches de saule dans des vases remplis d’eau pour les faire bourgeonner.
Dans les années 1980, une ancienne coutume remise au goût du jour devint un véritable phénomène de mode chez les jeunes finlandaises et suédoises : déguisées en sorcières elles font la tournée des voisins avec des branches de saule décorées qui portent chance, les échangeant contre des friandises.
La tradition de bénédiction du buis ou du laurier est plus ancienne que le christianisme et se pratique encore, même si la bénédiction ne vient plus des mêmes divinités. Ces branchages sont utilisés comme des talismans, on les accroche au mur ou dans une armoire jusqu’à l’année suivante.
L’Osterbaum, «l’arbre de Pâques» est une vieille tradition allemande pour célébrer le retour du printemps : les branches d’arbres sont décorées de coquilles d’oeufs décorées.
La croyance est que l’arrivée des hirondelles et des coucous ce jour annonce la fin de l’hiver et l’arrivée du printemps. En Bulgarie les filles passaient de maison en maison en chantant des chansons sur le coucou, qui racontent comment il est arrivé et quelle nouvelle il apporte. Selon la tradition, on veille à avoir de l’argent dans la poche parce que si on entend le coucou pour la première fois de l’année coucouler, on aura alors du bonheur toute l’année.
Le trèfle
Le trèfle est arboré traditionnellement par les Irlandais à la Saint-Patrick, le 17 mars.
Les feuilles vertes trilobées du printemps que l’on retrouve lors de la cérémonie druidique comme dans la boutonnière irlandaise à la Saint-Patrick, nous ramènent donc, non seulement au Dieu solaire et à la doctrine de la Trinité, mais aussi à l’enseignement de l’Awen et au concept de la Déesse triple.
L’oeuf : symbole de renaissance
La symbolique de l’oeuf est très riche. Il apparaît comme un des symboles du renouveau périodique de la nature.
La naissance du monde à partir d’un oeuf est une idée commune aux Celtes, Grecs, Finnois, Égyptiens, Phéniciens, Cananéens, Tibétains, Hindous, Vietnamiens, Chinois, Japonais, aux populations sibériennes et indonésiennes, et à bien d’autres encore. Déjà, les anciens égyptiens et romains offraient des oeufs peints au printemps en symbole de la vie et de la renaissance à la Déesse Mère (Vénus, Isis, Sémiramis…). À l’époque pharaonique, on écrivait en couleurs des voeux sur les oeufs puis on les déposait le soir dans un panier qui, au matin était inondé par les bienfaits de Ra, le soleil.
En Roumanie et en Estonie, le soleil naît d’un oeuf.
Les oeufs sont un plat traditionnel de Pâques. Dans certaines régions, les coquilles d’oeuf et restes de gâteaux sont jetés dans une rivière pour nourrir les esprits.
Le lièvre : symbole de fertilité et de régénération
Le lièvre, fertile reproducteur, personnifie l’aube, l’est, la blancheur, la lune, le devenir. Dans les cultures païennes, mésopotamiennes, druidiques et scandinaves, le lapin est le symbole du savoir fondamental (inconnu des hommes), de la régénération et du sacrifice. Le symbole du printemps («spring» en anglais) bondit («spring» en anglais) ! Le nom latin du lièvre Lepus donne le verbe anglais to leap, synonyme de to spring signifiant bondir et donnant le terme anglais offspring (la descendance) dont l’ancienne orthographe était of Spring.
Le lièvre est le compagnon des Déesses de la fécondité : Vénus chez les Romains, Ôstara en pays Germanique, Easter en pays Saxon. En Grande-Bretagne, à la fin de la récolte, on coupait le lièvre en gage de fertilité : on fabriquait une poupée en épi de blé et on l’enterrait au printemps. Pline l’Ancien recommandait la viande de lièvre comme remède à la stérilité et pour accroître l’attirance sexuelle. On retrouve des représentations de lièvres mangeant des grappes de raisin et des figues sur des tombes grecques et romaines, où ils symbolisent la transformation et le cycle de vie, mort et renaissance. Comme Robert Graves le fait remarquer dans son livre La Déesse Blanche, on retrouve des traces de lièvres tués le vendredi de Pâques jusqu’en 1620 de notre ère.
Rituels et superstitions
Dans l’Écosse du XIIème siècle, on fit comparaître un curé devant l’évêque pour avoir célébré la semaine pascale «selon les rites de Priape». Il était accusé d’avoir réuni les jeunes femmes du bourg et de les avoir encouragées à danser autour d’une pierre levée dont l’apparence était ostensiblement phallique, et ceci tout en chantant.
Dans certaines campagnes les hommes faisaient circuler dans la maison une chaise décorée de verdure, de fleurs, et de rubans. Chaque femme de la maisonnée s’asseyait sur cette chaise, et on la soulevait dans l’air. Parfois aussi on lui aspergeait les pieds d’eau à l’aide d’un bouquet de fleurs, et celui qui l’offrait, revendiquait un baiser en guise de récompense. En Bulgarie on perce les oreilles des petites filles pour mettre des boucles d’oreille parce que ce jour-là elles auraient moins de douleur et la cicatrisation se ferait plus vite. En Grande Bretagne, les vieilles superstitions recommandent de porter un vêtement neuf le jour de Pâques pour porter chance tout au long de l’année à venir. Les oiseaux puniraient ceux qui portent de vieux habits en lâchant des décorations des airs !
Feu de Pâques à Helsinki, © Anneli Salo
14 janvier 2017
N - comme NATURE